Il est né après-guerre. Depuis, le Journal du Centre couvre inlassablement l’actualité de la Nièvre. Aux premières loges depuis 40 ans, Philippe Dépalle, son rédacteur en chef, dépeint à Koikispass cette institution de la vie du 58.
Quand et comment est né le Journal du Centre ?
Philippe Dépalle : Le Journal du Centre (JDC) naît le 27 septembre 1944. Il succède à La Nièvre Libre, un journal clandestin créé par des résistants pendant l’Occupation, tiré au Moulin de la Fougère près de Champvert. Pendant quelque temps, le JDC a d’ailleurs conservé le sous-titre La Nièvre libre. Il s’est véritablement appelé Le Journal du Centre à partir de février 1945, tout simplement en raison de sa situation géographique. Il a surtout remplacé Paris-Centre, marqué par la collaboration avec l’occupant. En réalité, beaucoup de journaux français sont nés après-guerre prenant logiquement la place des journaux collaborationnistes. Dans le groupe Centre France, il n’y a que La Montagne qui a une existence bien antérieure, puisque le journal a été créé en 1919. Très peu de quotidiens peuvent aujourd’hui se targuer d’avoir plus de 100 ans !
Vous travaillez pour le Journal du Centre depuis 40 ans. Quels sont les événements marquants auxquels vous avez pu assister ?
C’est compliqué de faire des choix ! Néanmoins, nous avons eu la chance d’avoir un Président de la République venu de la Nièvre. J’ai donc souvent eu la chance de rencontrer François Mitterrand, tout comme Pierre Bérégovoy [ancien Premier ministre, ministre de l’Economie et maire de Nevers, Ndlr].
La Nièvre a été pendant longtemps le véritable centre de la France ! Je me souviens évidemment aussi du choc de la mort de Pierre Bérégovoy. Et plus joyeusement des moments forts liés au Grand Prix de Formule 1 à Magny-Cours. Le temps d’une course, la Nièvre devenait carrément le centre du monde.
Qu’est-ce qui a changé au fil des décennies ?
La presse ne cesse d’évoluer comme notre manière de travailler. Rien que pendant mes 40 ans de travail au sein du JDC, nous sommes passés de l’écriture des articles à la main puis à la machine à écrire avant de découvrir les premiers ordinateurs. L’évolution fut phénoménale aussi côté impression et l’arrivée de la couleur. Outre ces évolutions technologiques, le tournant pour le Journal du Centre se situe en 1971 lorsqu’il est racheté par La Montagne. Nous sommes à l’époque aux prémices du groupe Centre France. Aujourd’hui, ce dernier compte 8 quotidiens et 9 hebdomadaires, ce qui a changé notre manière de fonctionner. Jusqu’en 1998, nous imprimions encore nous-même le JDC. Dans les années 80, il y avait environ 140 salariés. Nous sommes désormais moins de 50 et le journal est imprimé à L’Yonne républicaine à Auxerre. Beaucoup de services ont disparu au fil des ans. Les effectifs sont composés à présent essentiellement de journalistes, de secrétaires et de professionnels de la vente.
Comment Internet a impacté le fonctionnement de la rédaction ?
Avant Internet, nous avions toute la journée pour travailler sur un fait-divers avant de l’écrire en soirée pour le journal du lendemain. Désormais,
un premier texte est écrit au plus vite pour être publié sur Internet et évolue en fonction des nouvelles informations que nous glanons. Internet nous a ouvert une nouvelle porte pour informer les gens plus rapidement.
La place prise aujourd’hui par l’information en ligne rend-elle la presse papier obsolète ?
La presse quotidienne régionale est heureusement moins touchée que le reste des publications papier. Dans une étude récente, le JDC apparaissait même comme le premier quotidien régional de France en termes de taux de pénétration, c’est-à-dire par rapport au nombre d’habitants. Cela montre l’attachement des Nivernais au Journal du Centre que l’on appelle d’ailleurs souvent simplement Le Journal ! Certes, comme tous les journaux, nous voyons notre lectorat vieillir et baisser, et les jeunes générations vont davantage sur les réseaux sociaux que sur le JDC.
Mais ce qui est encourageant, c’est que le site Internet fonctionne très bien et que nos réseaux sociaux permettent de délivrer l’information autrement, notamment pour toucher les jeunes.
Le JDC est intimement lié à l’identité de la Nièvre…
C’est vrai que le JDC reste le journal de la Nièvre. Notre réactivité n’est plus à prouver mais nous devons tous les jours tenter de nous renouveler. Notre challenge reste de trouver des angles originaux pour ne jamais lasser nos lecteurs. Mais notre mission première est et restera de parler de tout le monde à tout le monde. Notre réel plaisir est de rencontrer ceux qui font la Nièvre et de mettre en avant des personnalités parfois dans l’ombre. D’ailleurs, je peux vous assurer que nous recevons encore beaucoup de témoignages de gens heureux de figurer dans le journal !
Propos recueillis par Virginie Jannière.
Infos pratiques : retrouvez le dossier des 80 ans du Journal du Centre dans le dossier spécial sur jdc.fr