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Economie alternative dans la Nièvre : Quand la conso se fait citoyenne !

Un dossier de l’agence Proscriptum

AMAP, covoiturage, fripes… Guidés par des impératifs économiques, l’envie de vivre plus sainement, parfois teintée de militantisme, certains choisissent de consommer en mode alternatif voire participatif. Loin des utopies collectives des années 70, ce choix témoigne surtout de processus individuels affirmés… et d’un solide bon sens.

Et si la crise avait du bon ? Le pouvoir d’achat en berne, nombre d’entre nous ont été forcés de ne plus consommer sans réfléchir. Réfléchir ? Un concept somme toute pas bête du tout (paraît que c’est ce qui nous distingue de l’animal), qui a accouché de comportements moins standardisés et plus créatifs. Sous l’impulsion de citoyens qui entendent désormais être acteurs de leur mode de vie et pas seulement de passifs consommateurs, les dernières années voient le renforcement d’une économie alternative : les systèmes d’échanges locaux (SEL) prônant le troc de savoir-faire se multiplient, les Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) poussent comme des pissenlits…

20 MILLIONS DE MEMBRES
BLABLACAR DANS 19 PAYS

Version 2.0, les projets présentés sur les plateformes de crowdfunding (financement participatif) sont légion. Surfant sur la vague du « consommer intelligent »,la dernière success-story en date est française : Blablacar, site collaboratif de covoiturage créé en 2006 revendique désormais 20 millions de membres dans 19 pays et a levé 100 millions de dollars de fonds l’année dernière pour étendre encore son déploiement à l’international. Son argument ? Voyager vraiment moins cher ! Exemple ? Nevers-Dijon et un compagnon de voyage voire plusieurs à 8 euros, quand le trajet SNCF équivalent coûte 33,90 euros, ou 25,50 euros avec un abonnement Bourgogne Liberté en semaine, 17 euros le week-end. Depuis 2007, Guillaume (graphiste) et Amélie (profession libérale), récemment installés à Nevers, sont des usagers réguliers de Blablacar. « La première raison c’est le prix. C’est aussi souvent plus rapide. Et enfin, cela permet de rencontrer des personnes que l’on ne rencontrerait jamais autrement et de nouer des amitiés. »

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Côté alimentation, les consommateurs, douchés par les scandales sanitaires (vache folle, mouton tremblant, poulet grippé et autres lasagnes au boeuf de cheval…), inquiets vis-à-vis des OGM,  sont aussi plus informés quant à la dangerosité de l’agriculture intensive sur le plan de la santé : l’agriculture biologique est désormais tellement plébiscitée qu’elle a envahi les rayons des hypermarchés – avec les incertitudes concernant sa provenance et ses conditions de production, sans parler du bilan carbone de certains produits. Du coup, l’achat en direct au producteur, type marché à la ferme ou paniers de légumes via une Amap commence à se faire une vraie place au soleil.

Côté fringues, est-ce l’information sur les conditions de travail déplorables dans les usines de textile  asiatiques et indiennes, un rejet de l’uniformisation ou un sain refus de craquer la moitié de son salaire pour se vêtir ? Toujours est-il que s’habiller dans les friperies n’est plus du tout l’apanage du hippie sur le retour, mais est au contraire revendiqué par des princes du style !

On le constate : ces comportements « alternatifs », sont avant tout des démarches individuelles, non pas dictées par des impératifs économiques (c’est souvent le fait de personnes issues de la classe moyenne), plutôt qu’une réaction de masse, politisée, comme elle a pu exister dans les années 70. Il n’empêche que de petites pierres et petites pierres, ces choix tracent le chemin d’une autre voie : le développement économique et la réalisation personnelle peuvent aller de pair. Et ça, c’est plutôt une très bonne nouvelle !

LA FRIPE, C’EST CHIC !

Environ 50 euros par trimestre : c’est le budget que Thomas consacre à sa garderobe. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des armoires pleines car ce «dandy du bitume», comme il se définit avec le sourire, aime les fringues. Son secret : des pièces de seconde main auxquelles il offre une deuxième vie. Avec élégance et pas mal de bon sens.

la quarantaine, est ce que les cinéastes appellent « une gueule » ; un visage atypique qui tranche parmi les mâles lisses et interchangeables que notre époque frileuse produit en série depuis les magazines de mode jusque sur les trottoirs.

C’est aussi une allure, avec une préférence pour l’esthétique des années folles, la décennie 1920-1930. Le jour de notre rencontre, Thomas portait donc chaussures camel, pantalon flûte, chemise, cravate et gilet mais aussi un magnifique bombardier, ce blouson aviateur utilisé par les pilotes de la Royal Air Force durant la seconde Guerre mondiale – Jean-Paul Belmondo a le même dans le film « Un singe en hiver ».

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Signe distinctif : tout a été acheté dans des friperies. « Cela fait environ une dizaine d’années que je ne fréquente plus les magasins de vêtements traditionnels, explique Thomas. Cela me semble incroyable de dépenser 100 euros pour une paire de chaussures ! Mon budget aujourd’hui doit plutôt tourner autour des 50 euros par trimestre… » Un choix absolument pas guidé par la nécessité, mais vécu plutôt comme l’aboutissement d’un processus personnel. «J’ai été un acheteur compulsif, mais avec l’âge, l’expérience, acheter des vêtements de seconde main me paraît aujourd’hui le plus en cohérence avec ce que je suis.» Toujours amateur de fringues, Thomas fait désormais son shopping chez Emmaüs ou au Secours Populaire, où contrairement à ce que l’on croit, et peut-être aussi par effet de mode, on croise pas mal de gens branchés venus dénicher la pièce rare.

Car s’habiller en friperie demande un peu d’entraînement et surtout de goût : «Il faut aimer chiner et savoir ce que l’on cherche», détaille Thomas. Ne pas ressembler à n’importe qui, d’accord, pas à n’importe quoi non plus ! Le mieux est de se définir un style, une époque, une allure… et de s’y tenir. « Spécialiste des chemises improbables », Thomas qui n’en portait jamais auparavant ne sort désormais plus sans cravate. Question d’élégance, l’accessoire faisant ici l’essentiel. Un poil fétichiste aussi, il se fait parfois des films sur certaines pièces, imaginant leur première vie, et se réjouit à l’idée de leur offrir un nouveau départ.

Et puisqu’on parle de départ, l’argent économisé sur le budget vêtements permet à Thomas et sa compagne de voyager souvent et « à chaque fois, on va dans les friperies locales que l’on a repérées avant ! » Bref : chic, malin et curieux, le chineur de fripes authentiques a décidément tout bon !

L’AMAP, DE L’ÉTHIQUE DANS L’ASSIETTE

Acheter fruits et légumes produits sainement : c’est l’objectif numéro un des clients de Guillaume Debeer. Le jeune maraîcher bio, installé sur les friches reconquises de La Baratte, propose chaque vendredi soir ses « Paniers solidaires » à la ferme du Vaux à Varennes-Vauzelles dans le cadre de l’association Solidaires avec les Paysans qui fonctionne sur le mode des Amap. Revenu assuré pour l’agriculteur, qualité certifiée des produits pour les consommateurs : un contrat gagnant-gagnant qui séduit.

Radis, chou-rave et autres (on n’a pas tout reconnu) : voici l’automne et la saison des légumes-racines pour les adhérents des Paniers Solidaires venus à la Ferme du Vaux à Varennes-Vauzelles chez Denis Sanchez, agriculteur, qui met à leur disposition un local dédié. 12 euros le panier « duo », 16 euros le panier « famille », c’est le budget d’une semaine de primeurs bios livrés par Guillaume Debeer, le maraîcher qui a cultivé ces produits. Pour cet ancien éducateur devenu paysan, installé depuis mars 2013 à La Baratte, le système des Amap (ou Association pour le Maintien d’une agriculture paysanne, tel que pratiqué par les Paniers Solidaires et l’association qui les chapeaute, Solidaires avec les Paysans) est un système idéal : pas d’intermédiaires donc des prix raisonnables pour des produits certifiés AB, un revenu fixe car les adhérents s’engagent sur un semestre et payent d’avance leurs paniers hebdomadaires, ce qui permet de prévoir sereinement la comptabilité.

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La question du prix, c’est une idée reçue : quand j’achetais en grande surface, j’en jetais la moitié. Ici les légumes se conservent. » (Nathalie, adhérente des Paniers Solidaires)

Les adhérents sont ainsi acteurs de la filière et assurent un niveau de vie décent pour les paysans qui fournissent les productions. Du militantisme dans l’assiette que confirme Nathalie, venue ce soir-là chercher son panier : « Mon objectif, c’est d’aider les producteurs locaux à développer leurs petites exploitations, si c’est bio c’est encore mieux, et en plus on a de la qualité. La question du prix, c’est une idée reçue : quand j’achetais en grande surface, j’en jetais la moitié. Ici les légumes se conservent. »

Bien sûr, un tel mode de consommation aussi éthique soit-il est aussi une petite révolution pour l’acheteur : « Ne pas pouvoir choisir ses légumes, retrouver la saisonnalité, c’est un apprentissage ! », confirme Guillaume. C’est pourquoi il est présent à chaque livraison, donne des conseils et des recettes pour accommoder les produits proposés – les légumes dits oubliés se retrouvent souvent dans les Amap. Et en cas de coup dur – on pense naturellement aux intempéries – il sera là aussi pour expliquer pourquoi, cette semaine, le panier est moins copieux… De dix paniers à ses débuts, Guillaume livre désormais une vingtaine de paniers par semaine. Il est également présent les mercredi et samedi au marché quartier Saint-Arigle et le vendredi matin au marché des Courlis.

Renseignement : Solidaires avec les Paysans, Catherine Lebreton au 06.68.50.00.29 A la ferme du Vaux, on trouvera aussi des produits au Marché à la Ferme (frais et épicerie), le vendredi matin : volaille, porc fermier, fromage, oeufs, farine…

LE TÉMOIN : WILFRID SÉJEAU

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Libraire à Nevers, conseiller municipal, Wilfrid Séjeau est (au moins jusqu’en décembre) élu EELV au Conseil régional de Bourgogne.

Quelle est l’histoire de ces modes de consommation alternatifs ?

En France, les mouvements étaient d’abord de protestation : on peut citer l’occupation du Plateau du Larzac en 1968 (contre l’extension d’un camp militaire qui aurait annexé des terres agricoles), les mouvements autogérés des années 70. La réflexion sur les circuits courts date des années 80, avec la Confédération paysanne, héritière des Paysans travailleurs qui tentait des nouer les revendications entre les paysans et les ouvriers et de rétablir le lien entre rural et la ville. Il s’agissait aussi de s’élever contre l’industrialisation de l’agriculture, l’utilisation des produits phytosanitaires, la standardisation des productions et l’essor de la grande distribution qui est allée de pair.

Ces mouvements étaient très politisés. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les modes de consommation alternative comme le bio paraissent plutôt être le fait de bobos…

C’est une idée en partie fausse. Je dirais qu’il s’agit plus de bohêmes que de bourgeois : c’est surtout la classe moyenne qui est concernée. Les gens adhèrent à des comportements qui leur semblent correspondre à leurs propres interrogations.

Justement, comment s’est faite cette prise de conscience ?

L’information ! Sur les scandales sanitaires : vache folle, dioxine, OGM…, sur les cancers, les perturbateurs endocriniens induits par l’agriculture intensive. Le film et le livre de Marie-Monique Robin « Le monde selon Monsanto » par exemple, ont eu un énorme retentissement.

POUR EN SAVOIR PLUS
Les livres de Bernard Lambert (Les paysans dans la lutte des classes), René Dumont (Les raisons de la colère), Pierre Rabhi (Vers la sobriété heureuse) et de Wilfrid Séjeau (Petit bréviaire écolo). Et les écrits de Rudolf Steiner ou André Gorz.

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